Theorem of Joy nous ouvre les portes de L’Hiver, saison mélancolique qui cristallise les nouveaux bourgeons avant leur renaissance. Ce second opus mené par le compositeur et contrebassiste Thomas Julienne nous promène dans des contrées mystérieuses, parfois aveuglantes de clarté – comme le suggère la photographie d’Alexandre Dupeyron.

Il réunit cinq personnalités de la nouvelle scène du jazz français, cinq musiciens qui partagent un même désir : celui de la diversité. Un métissage exploré à travers le répertoire et le choix des timbres, mêlant jazz, musique impressionniste, musique méditerranéenne et culture folk, post-rock. rock.

Une vision de la musique riche de ses multiples esthétiques, qui n’en est pas moins équilibrée et uniforme dans son discours. C’est dans ce pentaphone à géométrie variable que gravitent les électrons libres de Theorem of Joy.

Thomas Julienne, multi-instrumentiste (oud, guitare, sitar sur d’autres projets), éclectique mais profondément influencé par le jazz (Larry Grenadier pour son jeu de contrebasse, Wayne Shorter ou Brian Blade pour leurs compositions), nous propose une musique intense, des compositions riches et vibrantes, ainsi qu’une direction artistique visant à révéler la créativité singulière de chacun de ses partenaires de jeu. Les couleurs se mélangent dans le répertoire et génèrent des modalités d’écriture et d’improvisation riches et surprenantes.

La ballade aérienne « L’hiver », clef de voute qui donne son nom à l’album, est menée par les voix entremêlées de deux formidables vocalistes incontournables du jazz français, Ellinoa et Loïs Le Van, interprétant le texte de François Vaïana (Brussels Vocal Project, Panoramic Project). Sur d’autres compositions comme « Atoll » ou « Convergences », où l’on ressent l’influence de Radiohead, Björk ou Nick Drake, la voix d’Ellinoa, organique et hypersensible, n’est pas sans rappeler quelques incantations nordiques, structurées par les arpèges de guitare d’Antonin Fresson.

En invitant le quatuor Les Enfants d’Icare sur trois morceaux, il fait preuve d’un réel goût pour la mélodie française du début du XXe siècle, notamment Ravel et Lily Boulanger. Dans « Little Cloud », titre impressionniste tout en contrepoint, les mélodies de l’alto de Boris Lamerand voyagent aux côtés de l’accordéon lyrique de Laurent Derache vers une évolution harmonique lumineuse.

Avec « Tomorow Riots », le disque s’ouvre au rock avec des sonorités grondantes et des mélodies accidentées, soutenues par le jeu de Tom Peyron, batteur moderne puisant autant dans le jazz que dans les musiques actuelles, qui soutient ici un rythme de musique arabe en neuf temps, et met à l’honneur le trombone rageur de Sébastien Llado.